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Les "Midis" de la montagne ardéchoise
1 avril 2024

Un lourd tribut

Notre avenir est devant nous, sur ce sol labouré et stérile où nous allons courir, la poitrine et le ventre offerts"

La peur, Gabriel Chevalier,

 

« Ils sont tombés comme ils chargeaient, front en avant ; certains, abattus sur les genoux, semblent encore prêts à bondir. On en voit un, adossé à une petite meule, qui, de ses mains crispées, tient sa capote ouverte comme pour nous montrer le trou qui l’a tué. »

 « Les Croix de bois »  Roland Dorgelès

 

Un lourd tribut

A peine une quinzaine de jours qu’ils sont partis et en ce 20 août 1914, à Dieuze-Vergaville, deux petits bourgs lorrains, cinq villageois sont déjà fauchés par la camarde. Ils s’appellent Pierre, Henri, Joseph, Louis et Louis. Ils avaient entre 23 et 25 ans !

Le champ de bataille de Vergaville. Au fond, à droite, une des tombes collectives contenant plus de 400 corps de soldats français, à gauche celle des officiers.

Et lorsqu’au village,  la grosse cloche de l’église résonnera sinistrement dans la vallée l’angoisse naîtra parmi les familles des « partis aux armées ». Qui ? Déjà cinq familles dans la douleur et cinq autres encore, celles des cinq prisonniers capturés le même jour, qui s’inquiètent pour le sort de leur parent.

D’autres hélas suivront.

Tout au long de ces quatre interminables années, beaucoup de foyers seront touchés par le malheur, certains plus que d’autres. Soixante-neuf  noms sur le monument aux morts, 69 familles endeuillées, autant de fois que les cloches de l’église bourdonneront lugubrement pour annoncer à la communauté la douloureuse nouvelle. Soixante-neuf hommes, des fils, des époux, des pères qui laissent derrière eux des parents accablés, des veuves abattues et des orphelins en pleurs.

  Trois autres victimes, nées cependant au village mais ayant déménagé avant leur conscription, alourdissent encore le bilan (72). Leur nom n’est pas repris sur le monument.

La fiche Mort pour la France de Jean Marie Maurine, né à Saint-Etienne de Lugdarès

 

Mais peut-on jauger la douleur?

Des familles qui ont leur(s) fils engagé(s) sur les fronts connaîtront des fortunes diverses.  N’épinglons que quelques exemples :

La famille Régis Villesèche et Marie Terme compte quatre fils aux armées (1 tué, 1 prisonnier et 2 blessés). Le ménage Coudreye-Martin, deux fils  ( 1 disparu en mer, lors du torpillage du transport de troupes Amiral Magon et 1 blessé trépané et amputé du bras droit.

Des veufs et veuves qui perdent deux fils comme Louis Barrot (veuf de S.Vialle), Sophie Hugon (veuve de H. Roux) et Mélanie Mercier, (veuve de L. Jean) pleure un fils quant au second, il garde un lourd handicap de sa blessure. Soutien de famille, ils travaillaient dans l’exploitation agricole familiale.

Enfin ces deux jeunes épousées, jeunes veuves après à peine quelques mois de mariage. Justine Dumont, quatre mois de mariage, est enceinte de François Boulet, disparu sur l’Yser.

D’autres, à l’instar de Pierre Astier, Augustin Giraud et Auguste Terme, morts pour la France, laissent chacun une  veuve « chargée » (dit-on) de trois enfants. Des pupilles de la Nation. L'Etat se chargera de leur éducation.

Une peine sans cesse ranimée

Les deuils s’accumulent et les plus récents réveillent ceux plus anciens car les familles sont apparentées. Un exemple parmi d’autres, Les Michel sont liés aux Roux, aux Vidal, aux Sirvin, aux Dumond ainsi qu’aux Darbousset….

 Lorsque la terrible nouvelle arrive au village, c’est le maire qui se charge de prévenir la famille… Pénible obligation que d’aller annoncer la mort d’un fils, d’un époux, d’un père… "J'ai l'honneur de vous prier vouloir bien, avec tous les ménagements nécessaires en la circonstance,  prévenir ....". Le curé de la paroisse tout autant que le maire auront fort à faire pour aider les familles à faire leur deuil.

L'exemplaire envoyé aux maires pour leur demander de transmette la nouvelle du décès de leur concitoyen.

Mais il y a également les blessés, un amputé, un autre ayant perdu un œil, plusieurs traînant un membre meurtri par un éclat d’obus et qui les handicaperont dans leur profession, les malades, le paludisme pour ceux qui sont revenus d’Orient qui endureront les séquelles de leur maladie, les prisonniers qui reviendront de captivité avec une santé fragilisée abrégeant parfois leur vie. Le 2 août 1918, Auguste Terme, prisonnier rapatrié sanitaire, décède à son domicile.

La guerre terminée, toutes et tous  attendent le retour des corps qui reposent  momentanément quelque part dans le Nord ou dans l’Est, loin de chez eux. En attendant, des messes de funérailles sont dites. Après la guerre, l’Etat proposera aux familles de rapatrier les corps.  Louis Pansier, mort le 6 août 1918, est rentré au village et repose dans la terre natale, quelques-uns sont restés dans une nécropole, à proximité du lieu de leur martyr, au milieu de leur frères d’armes quant aux disparus, ils dorment toujours dans la terre qui les a ensevelis.

  Dans la mémoire familiale

Certains noms, certaines dates, plus que d’autres,  resteront gravés dans la mémoire collective.

Vergaville-Dieuze, 5 tués et disparus

Vienne-le-Château, 7 tués et disparus.

Fleury-devant-Douaumont et Verdun 6 tués et disparus

Les Eparges, Boinville, 4 tués. Mais pour chaque famille, la date de la disparition d’un des leurs restera une journée noire

Pour les familles des Morts pour la France, l’Etat leur allouera une pension pour la perte de leur parent. L’épouse et les enfants seront les bénéficiaires mais pour les célibataires, ce seront les parents qui en "hériteront".

Mr et Mme Escudier toucheront 800 fr annuellement pour le décès de leur fils.

 

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