* Augustin Giraud, pris le 22 septembre 1914 et mort en captivité
Fils naturel de Marie Nathalie Giraud, Augustin Giraud, né à Marseille, le 13 janvier 1883, est abandonné à sa naissance. Recueilli et adopté par la famille Mercier, des cultivateurs habitant Saint-Etienne de Lugdarès. Il travaillera sur l’exploitation familiale jusqu’ à la conscription.
Photo prise lors du service militaire en 1915.
Son signalement sur sa fiche matricule
De la classe 1903, il rejoint le 55ème Ri, caserné à Pont Saint-Esprit, (caserne Fépin), le 16 novembre 1904 comme soldat de 2ème classe. Le 16 novembre 1907. Son service militaire terminé, il est envoyé dans la disponibilité le 12 juillet 1907, muni du certificat de bonne conduite puis versé dans la réserve le 1er octobre suivant.
Revenu à la vie civile, il reprend ses activités de cultivateur sur les terres familiales et épouse, le 30 octobre 1907, Marie Eulalie Coutaud, une jeune fille du village, de trois ans sa cadette. La famille s’agrandit bien vite, 1908,1909 (+1909), 1911, deux filles et un garçon. Malheureusement, l’une des petites filles décède en bas-âge.
La caserne Fépin à Pont Saint-Esprit, caserne du 55ème ri
Comme tous les soldats de la réserve, il accomplit deux périodes d’exercices afin d’entretenir ses acquis militaires, la première du 21 août au 12 septembre 1910, la seconde du 21 mars au 6 avril 1912, toujours au 55ème ri.
Entretemps, il a hérité, en 1911, au décès des ses parents adoptifs, de l’exploitation agricole familiale.
Août 1914, la mobilisation, la guerre !
Il est rappelé l’activité et rejoint son régiment le 4 août 14. Son épouse, enceinte, donnera naissance à une fille en avril 1915. Une enfant qui ne connaîtra jamais son père. Une épouse qui devra assumer les travaux de l'exploitation en l'absence de son époux. (voir le combat des femmes)
Au 55ème régiment d'infanterie
Le régiment est rapidement mis en route, mais avant de partir, Augustin, comme beaucoup de soldats, dépose une partie de ses effets personnels au café de Paris, tout en demandant à son épouse de venir les récupérer.
Le 7 août c’est le départ pour le front. Trois trains emmènent le régiment aux portes de la Lorraine qu’il faut reprendre aux Allemands.
Débarqués dans le secteur de Vezelise, les bataillons prennent leur cantonnement dans les campagnes avoisinantes. Après plusieurs glissements vers l’Est, le régiment arrive dans les environs de Parois, « à la disposition de la 59ème brigade fortement éprouvée à Lagarde le 11 août ».
Le 15 août, le régiment, toujours en réserve et sous la protection de l’artillerie se rapproche de Coincourt –la frontière-- précise le JMO.
Le 18 août il bivouaque à Juvélise, le 19 août, par une marche d’approche, le régiment se dirige vers le secteur de Dieuze.
Son parcours
C’est le 20 août, au combat de Dieuze-Vergaville, qu’Augustin Giraud reçoit son baptême du feu. Un combat d’une extrême violence, 900 hommes hors de combat ! Un premier repli mais le 55ème ri reste au contact de l’ennemi. Puis, le 27 août, un nouvel engagement à Mont-sur-Meurthe, le régiment, baïonnette au canon, charge les positions allemandes. Une victoire mais, de nouveau, coûteuse en vies humaines.
Augustin Giraud est indemne. De marche en marche, le régiment arrive le 18 septembre dans le secteur de Montfaucon. Un endroit dangereux car l’ennemi s’y montre fort agressif. Les hommes des 1er et 2ème bataillons organisent la position dans les bois. Augustin Giraud est dans la 5ème compagnie du 2ème bataillon. Le 3ème bataillon est en réserve à Avocourt.
Montfaucon, encore un village qui comptera de nombreuses destructions
Le 20 septembre, le secteur de Montfaucon subit un pilonnage par de l’artillerie lourde (une préparation à un assaut) et le 3ème bataillon, bien qu’en réserve à Avocourt, monte en ligne pour renforcer les défenses.
L’attaque a lieu le 22 ,
Après une nouvelle préparation d’artillerie « de gros calibre », « les Allemands sortent de leurs tranchées, en rangs serrés, et attaquent nos positions, ». Malgré la supériorité numérique de l’assaillant, les défenseurs tiennent bon et ne concèdent aucun terrain mais au prix de très lourdes pertes. Des tués, des blessés, des disparus au nombre desquels des prisonniers. Le 22 septembre, 59 tués, et 30 encore pour les deux jours suivants. Sans compter les blessés évacués vers l’arrière et les disparus, parmi ces derniers, des prisonniers.
Parmi les manquants à l’appel, Augustin Giraud.
Il faisait partie de la 5ème compagnie
Capturé lors de ce combat, il est envoyé au camp de Grafenwörh, un camp situé à proximité de Bayreuth. Il y est recensé le 24 février 1915, et contrairement à la majorité des prisonniers, il n’en changera pas. La famille a été rapidement prévenue car, le 10 mars, 1915, il a déjà reçu deux colis et 50 fr ainsi que deux lettres de son épouse.
Le 10 mars, La famille ayant peut-être été informée, à tort qu’il avait été blessé, il apaise les siens. "Je ne suis pas blessé".
De nombreuses lettres seront échangées. Des lettres dans lesquelles il rassure son épouse et s’inquiète pour sa famille. « Je suis en parfaite santé et désire du fond du cœur que tu en sois de même pour toi ainsi que les chers enfants ». Et toujours cette inquiétude pour ceux et celles qu’il a laissés au village. Il apprend que son épouse a accouché et écrit son souhait d'embrasser la gamine: "son papa qui languis de la voir ». De fait, la maman, enceinte lors du départ de son époux pour le front, a accouché début 1915. Il ne connaît donc pas sa fille cadette. Malheureusement, les événements en décideront autrement… la gamine ne verra jamais son papa. Les mois passent, les lettres se suivent et, dans lesquelles, il explique son quotidien de prisonnier. Et sans cesse il écrit "Embrasse bien les enfants pour moi ».
Répartis dans des "komando", envoyés parfois jusqu’à 150km du camp, les prisonniers sont mis au travail. C’est le cas lorsqu’il ira travailler dans une usine de tuiles « dans la petite ville de Straubing, "Des journées de 10 heures", précise-t-il.
Il remercie les siens pour les colis qu’il reçoit « la boule de pain, le saucisson et une paire de chaussettes de laine… et tu peux croire qu’il m’a fait du bien » mais il demande de bien préciser son nom et prénom car il y a plusieurs Giraud dans le camp. Outre les colis de vêtements pour se protéger du froid, les colis de vivres sont les bienvenus pour compléter l’ordinaire des maigres repas des prisonniers. Parfois, il reçoit également un colis de la Croix-Rouge contenant des biscuits.
Le 20 octobre 1918. Il ne veut toujours pas inquiéter son épouse ou bien ne voit-il pas son état de santé qui se dégrade, mais il est transféré à Bayreuth et soigné dans le lazaret du camp d’où sont partis trois cents soldats pour la Suisse. Ce pays où on soigne les cas graves, « Mais moi, je n’ai pas cette chance ». Ce sera sa dernière lettre. Quelques jours après, il décède.
Le 4 novembre 1918, la liste des décès "totenlist" le signale décédé au lazaret du camp de Bayreuth. Défaillance cardiaque!
Augustin Giraud travaille à la ferme, un travail qu'il connait bien!
Son corps sera rapatrié et inhumé dans la nécropole de Sarrebourg, là où reposent les corps des prisonniers morts en captivité et non rapatriés dans leur village natal.
Sa fiche "Mort pour la France"
Mort des suites de ses blessures.
Une erreur sur sa fiche Mort pour la France. Capturé en août 1914, comment mourir de ses blessures 4 ans après? La confusion avec un des lieutenants du régiment qui lui-aussi s'appelle Augustin Giraud et qui est blessé grièvement à la jambe.
Sa sépulture à la nécropole de Sarrebourg
La nécropole de Sarrebourg, là où reposent tous les prisonniers morts en captivité en non rapatriés dans leur village.
La statue sculptée par Fredy Stoll, un prisonnier du 347ème ri interné à Grafenwörh, se trouvait dans le cimetière du camp. Après la guerre, elle fut rapatriée à Sarrebourg et veille toujours sur les corps des soldats. C'est la soldat Philippe Adde, du 40ème ri, qui a servi de modèle.
Sources
Mémoire des Hommes, le JMO du 55ème ri 26N644/1 et JMO du service de santé y attaché dans J.M.O. - 7 août 1914-28 février 1915 - 26 N 644/14
La fiche "Mort pour la France"
Archives départementales du Gard (autoristation) matricule, reg 1 R 919
Archives du Comité international de la Croix-Rouge, archives des prisonniers de 1914/48
Documents de famille, Madame Monique Agape, Merci du partage.
Cartes postales anciennes
Photos de la nécropole de Sarrebourg,
la tombe, photo de M. Jean-Charles Balla
la nécropole et la statue, photos personnelles